Depuis quelques années, un mot hante de plus en plus de rapports scientifiques, d’articles de presse et de réunions stratégiques autour de l’eau potable : les PFAS. Derrière cet acronyme se cachent des substances aux propriétés chimiques redoutables… et à la persistance tout aussi problématique dans nos environnements. Pour les professionnels engagés dans la transition écologique, les industriels responsables ou les collectivités soucieuses de proposer une eau saine à leurs administrés, la question se pose : comment filtrer efficacement les PFAS ? C’est ce que nous allons explorer ici.
Les PFAS : qui sont ces indésirables qui refusent de disparaître ?
Les substances per- et polyfluoroalkylées, connues sous le nom de PFAS, regroupent plus de 4 700 composés chimiques synthétiques utilisés depuis les années 1940. On les retrouve dans les emballages alimentaires, les textiles imperméables, les revêtements antiadhésifs, les mousses anti-incendie… Bref, quasiment partout. Leur particularité ? Une résistance extrême à la chaleur, à l’eau, et… à la dégradation. D’où leur surnom de “polluants éternels”.
Le problème, c’est que cette durabilité chimique a un coût : une capacité à s’accumuler dans les eaux (douces, souterraines, potables), dans la faune, la flore… et finalement dans l’organisme humain. Des études suggèrent un lien potentiel entre l’exposition chronique à certains PFAS et des effets néfastes sur la santé : troubles du foie, perturbations hormonales, réduction de l’efficacité des vaccins, et même certains cancers.
Alors, aujourd’hui, pour les acteurs économiques comme pour les responsables publics, une mission urgente s’impose : traiter l’eau contaminée. Mais comment ?
Un défi technologique et industriel à relever
Le traitement des PFAS n’est pas une mince affaire. On ne parle pas ici d’un simple goût désagréable ou de bactéries classiques qu’on peut neutraliser avec une dose de chlore. Les PFAS sont si résistants qu’ils passent à travers la plupart des méthodes traditionnelles de traitement de l’eau… sans même transpirer. Face à eux, seules quelques technologies spécifiques ont montré leur efficacité.
Zoom sur les filtres les plus performants contre les PFAS
Trois types de solutions se démarquent aujourd’hui pour filtrer les PFAS de manière efficace. Chacune avec ses avantages, ses limites et ses cas d’usage spécifiques, notamment pour les entreprises soucieuses de maîtriser leur impact environnemental ou les gestionnaires de réseaux d’eau potable.
Filtres à charbon actif : la solution la plus accessible
Les filtres à charbon actif (GAC – Granular Activated Carbon) sont sans doute les plus connus et les plus utilisés dans la lutte contre les PFAS. Ils fonctionnent par adsorption : les molécules de PFAS sont piégées dans les pores du charbon.
Avantages :
- Coût relativement abordable, adaptée aux usages domestiques comme industriels.
- Technologie éprouvée, facile à intégrer dans des infrastructures existantes.
- Fonctionne aussi contre d’autres polluants organiques.
Inconvénients :
- Efficacité variable selon la chaîne moléculaire (meilleur rendement avec les PFAS à longues chaînes).
- Nécessite un remplacement régulier du charbon pour maintenir l’efficacité.
- Le charbon saturé devient un déchet dangereux à traiter.
Osmose inverse : le filtre haute précision
La technologie d’osmose inverse repose sur des membranes semi-perméables qui laissent passer l’eau mais retiennent les substances indésirables, y compris les PFAS.
Avantages :
- Taux d’élimination des PFAS très élevé, même pour les petits composés.
- Élimine aussi les nitrates, métaux lourds, bactéries, etc.
Inconvénients :
- Procédé énergivore, notamment à grande échelle.
- Produit de l’eau de rejet concentrée en contaminants (à traiter ensuite !).
- Entretien régulier et coûts initiaux plus élevés.
Les entreprises de l’agroalimentaire ou les collectivités souhaitant assurer une qualité sanitaire premium dans l’eau potable peuvent y trouver un vrai intérêt, à condition de bien maîtriser les coûts d’exploitation.
Résines échangeuses d’ions : une méthode chimique ciblée
Les résines échangeuses d’ions capturent les PFAS à l’aide de réactions chimiques spécifiques. Elles sont souvent utilisées en complément du charbon actif ou de l’osmose inverse.
Avantages :
- Grande sélectivité, capacité à cibler certains PFAS spécifiques.
- Durabilité plus longue que le charbon actif dans certains cas.
Inconvénients :
- Moins efficace sur les eaux très polluées.
- Nécessite des régénérations chimiques ou des changements fréquents.
Ce type de solution est particulièrement intéressant dans l’industrie chimique ou dans les installations ayant besoin de traiter des eaux concentrées en polluants spécifiques.
Et pour les particuliers, quelles options ?
Face à une anxiété croissante du grand public autour de la qualité de l’eau du robinet, plusieurs entreprises proposent désormais des filtres domestiques adaptés aux PFAS. Sans surprise, les plus efficaces utilisent une combinaison de charbon actif et de membranes d’osmose inverse, parfois couplées aux résines d’échange d’ions.
Mais attention, tous les filtres ne se valent pas. Avant de dégainer votre carte bleue, vérifiez :
- Que le filtre est certifié pour la réduction des PFAS (norme NSF P473, par exemple).
- Le coût et la fréquence du remplacement des cartouches.
- L’eau rejetée (dans le cas de l’osmose inverse) ne surcharge pas inutilement votre réseau d’eaux usées.
À noter que des acteurs comme ZeroWater ou Berkey proposent des solutions assez bien notées par les analyses indépendantes, mais que les gammes professionnelles ou semi-industrielles sont souvent plus performantes.
Des industries en transition, des opportunités à saisir
Derrière le défi environnemental posé par les PFAS, c’est aussi une opportunité de réinvention pour de nombreux secteurs :
- Les entreprises du traitement de l’eau développent de nouvelles solutions à valeur ajoutée.
- Les industriels polluants amorcent leur transition sous la pression réglementaire (et sociétale).
- Des start-ups innovent dans le domaine de la dépollution avancée, avec des procédés enzymatiques, du plasma froid ou des sorbants bio-sourcés.
Un exemple ? L’entreprise bretonne Polymem, qui conçoit des membranes céramiques de nouvelle génération, a su décrocher plusieurs contrats en lien avec l’élimination des PFAS. Un bel exemple de résilience industrielle et d’innovation made in France.
De leur côté, de nombreuses métropoles comme Clermont-Ferrand ou Rennes ont lancé des enquêtes approfondies sur l’état de leurs réseaux d’eau potable afin de cartographier la pollution aux PFAS et définir les investissements prioritaires. La prise de conscience est donc réelle.
Des solutions locales pour un problème mondial
Si la pollution par les PFAS est un défi global, la réponse est souvent locale. Chaque bassin d’alimentation en eau a ses spécificités, ses sources de pollution, sa topographie et ses contraintes financières. C’est pourquoi la mise en place de filtres adaptés doit être pensée au cas par cas, avec une logique de partenariat entre industriels, chercheurs, collectivités et citoyens.
Il est aussi essentiel que les acteurs économiques prennent leur part dans la prévention. Réduire ou substituer les PFAS dans les chaînes de production là où cela est possible, éviter les rejets incontrôlés, investir dans des installations de dépollution en amont : autant de gestes concrets qui peuvent faire une vraie différence.
Enfin, pour les entreprises prêtes à s’engager, il y a là un levier fort de marque employeur, d’image responsable et de position stratégique sur un marché de plus en plus soucieux des enjeux environnementaux. Transformer une contrainte sanitaire en opportunité d’innovation… et si c’était le véritable défi à relever ?
